Le 10 septembre 2025, la Cour de cassation a rendu deux arrêts majeurs venant aligner le droit français sur le droit de l’Union européenne en matière de congés payés. Ces décisions, très attendues, marquent un tournant et apportent une clarification sur deux questions essentielles :
- Le report des congés payés en cas de maladie survenue pendant la période de congés.
- La prise en compte des congés payés dans le calcul du seuil de déclenchement des heures supplémentaires.
Ces évolutions s’inscrivent dans un contexte de pression croissante de la Commission européenne, qui avait engagé une procédure d’infraction contre la France pour non-conformité de sa législation aux exigences du droit communautaire.
Report des congés payés en cas de maladie : la France rattrape son retard
L’ancienne jurisprudence française : un refus du report
Jusqu’à récemment, la jurisprudence issue d’un arrêt du 4 décembre 1996 (Cass. soc., 4 déc. 1996, n°93.44-907) refusait au salarié tombant malade au cours de ses congés payés la possibilité de reporter ultérieurement ses jours de repos, et la réforme issue de la loi DDADUE du 22 avril 2024 n’y apportait aucune réponse. Le congé était considéré comme consommé, peu important l’incapacité du salarié à en jouir.
La jurisprudence antérieure de la Cour de cassation retenait que :
- le salarié restait en congé payé même en cas de maladie,
- il percevait l’indemnité de congés payés correspondante,
- s’il transmettait un arrêt de travail, il pouvait bénéficier d’indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS) versées directement par la caisse (sans subrogation ni maintien de salaire par l’employeur), tout en cumulant ces IJSS avec ses indemnités de congés payés.
Cette pratique avait été jugée contraire au droit de l’Union européenne par la CJUE et par la Commission européenne, celle-ci estimant que le droit français méconnaissait la directive 2003/88/CE relative au temps de travail en refusant le principe du report.
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a, au contraire, constamment rappelé que :
- le congé payé annuel vise à permettre au travailleur de bénéficier d’un véritable repos et de loisirs,
- l’arrêt maladie a pour finalité la guérison et le repos médical (CJUE, 20 janv. 2009, aff. C-350/06 et C-520/06 ; CJUE, 21 juin 2012, aff. C-78/11).
La Cour d’appel de Versailles avait déjà ouvert la voie en 2022 en admettant le report (CA Versailles, 18 mai 2022, n°19/03230). Le ministère du Travail lui-même recommandait aux employeurs d’anticiper un revirement jurisprudentiel afin d’éviter les contentieux.
En juin 2025, la Commission européenne a formellement mis en demeure la France de se conformer au droit communautaire dans un délai de deux mois, sous peine de sanctions.
La solution de la Cour de cassation (Cass. soc., 10 sept. 2025, n°23-22.732)
Désormais, lorsque le salarié tombe malade pendant ses congés payés, il bénéficie d’un droit au report des jours de repos non pris.
Cette faculté est toutefois subordonnée à une condition : l’obligation de notifier l’arrêt de travail à l’employeur.
Cette solution, conforme au droit de l’Union, soulève néanmoins des interrogations pratiques (rétroactivité, modalités de report, délais de prescription, traitement en paie), qui feront l’objet de développements ultérieurs.

Congés payés et heures supplémentaires : un nouveau mode de calcul
Le droit français antérieur : une exclusion du temps non travaillé
Jusqu’à présent, pour déterminer le seuil de déclenchement des heures supplémentaires (au-delà de 35 heures hebdomadaires), seules les heures de travail effectif étaient prises en compte. Les jours de congés payés ou d’arrêt maladie étaient exclus du décompte.
La CJUE a jugé qu’une telle exclusion pouvait constituer un frein à la prise des congés payés : si le salarié perdait le bénéfice d’éventuelles heures supplémentaires en raison de ses congés, il pouvait être financièrement dissuadé de les poser. Or, toute mesure dissuasive est incompatible avec l’objectif protecteur du droit au congé annuel.
La solution de la Cour de cassation (Cass. soc., 10 sept. 2025, n°23-14.455 et n°23-14.457)
La Haute juridiction a écarté la règle française et désormais :
- les jours de congés payés sont pris en compte dans le calcul du seuil des heures supplémentaires,
- un salarié qui, du fait d’un congé payé, n’a pas accompli 35 heures de travail effectif au cours d’une semaine, pourra néanmoins prétendre à la rémunération des heures supplémentaires accomplies au-delà de ce seuil.
Les arrêts rendus par la Cour de cassation le 10 septembre 2025 marquent une étape décisive dans l’évolution du droit du travail français en matière de congés payés. En consacrant le droit au report des congés en cas de maladie et en intégrant désormais les jours de congés payés dans le calcul des heures supplémentaires, la Haute juridiction aligne définitivement la France sur les exigences du droit européen.
Reste à préciser, par la pratique et de possibles interventions législatives ou jurisprudentielles, les modalités concrètes de mise en œuvre de ces nouvelles règles.
Références :
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Cass. soc. 10 sept. 2025, n° 23-22.732
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Cass. soc., 10 sept. 2025, nos 23-14.455 et 23-14.457
Ce qu'il faut retenir !
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Un salarié malade pendant ses congés a désormais droit à leur report, sous réserve de notifier l’arrêt à l’employeur.
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Les congés payés comptent désormais dans le calcul des heures supplémentaires, même sans travail effectif.
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Ces décisions de la Cour de cassation (10 sept. 2025) alignent le droit français sur le droit européen.
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